NEWS

Lucilin in the City #12: Sounds In Space: Quand la musique définit l’espace… ou inversement ?

Olivier Sliepen et Guy Frisch ont ouvert les portes de notre laboratoire d’expérimentation musicale au public pour un concert haut perché : Lucilin in the City #12: Sounds In Space, le jeudi 8 février.

Installés confortablement dans notre salle de répétition transformée en salle de concert, Guy Frisch, percussionniste, et Olivier Sliepen, saxophoniste et curateur de la soirée, ont guidé les quarante explorateurs présents dans le public à travers différents états du son et de l’espace. Suivant les traces de la « Vague de pas » de Kasper T. Toeplitz, propulsés dans les nuages de Christian Lauba ou baladés entre les marges indéfinies de José Manuel López López, les spectateurs ont profité d’un programme mêlant pièces concrètes et plus abstraites, toutes questionnant la notion d’espace à leur manière.

Première mondiale de la pièce « Multiplicity »

La soirée a débuté par une première mondiale, la pièce « Multiplicity », commandée à Albena Petrovic-Vratchanska par United Instruments of Lucilin. « Entre United Instruments of Lucilin et moi, c’est une grande histoire d’amour », raconte la compositrice luxembourgeoise. « Toute ma vie musicale au Luxembourg est marquée par mes collaborations avec l’ensemble. Alors quand Guy et Olivier m’ont proposé ce projet, j’ai tout de suite accepté. C’était un grand honneur pour moi. » Pour Guy Frisch, cette collaboration était aussi l’occasion de faire vivre une idée créative : « Pour nous, c’était un plaisir de travailler avec Albena. Elle est très curieuse et a toujours envie de se confronter à des choses nouvelles. Nous voulions que ce concert soit un duo, mais on voulait aussi y intégrer de l’électronique et jouer sur l’idée de la multiplication du son à l’infini pour occuper l’espace. D’où l’idée d’utiliser des loop stations. »

Bien qu’elle ne soit pas compositrice de musique électronique, Albena Petrovic-Vratchanska s’est emparée de ce challenge et a réussi à faire sienne cette idée. « L’utilisation de loop stations est quelque chose de novateur en musique contemporaine alors que c’est un instrument plus répandu dans la pop par exemple. Mais j’ai tout de suite aimé cette idée de clonage du son. » Le résultat de cette collaboration est indubitablement déstabilisant et, comme le souligne Olivier Sliepen, la composition ici était totalement au service du thème du concert. « Avec la répétition, le public est désorienté. On ne sait plus si c’est le musicien ou la loop station qui produit le son. »

Un programme pour faire décoller l’imaginaire

Il fallait avoir l’esprit ouvert pour apprécier cette aventure ! « Nous ne voulions pas guider le public, mais lui donner l’occasion de créer sa propre histoire », dévoile Olivier Sliepen. « Par exemple, avec « El margen de indefinición », le saxophone explore une gamme étendue de sons, créant ainsi un spectre sonore riche qui influence notre perception de l’espace. Lorsque nous entendons un son grave, nous pouvons imaginer quelque chose de profond, tandis qu’un son aigu évoque les hauteurs. Cette pièce évoque un sentiment de rêverie, elle est très spectrale. Avec « Vague de pas », chaque auditeur peut interpréter les sons de manière différente, projetant ainsi ses propres images mentales dans l’espace. Je crois que personne dans la salle ne s’est imaginé exactement la même chose. »

Redécouverte d’Inhibition Space #3 

Les spectateurs ont terminé ce concert sur le fil des intimidants larsens de Stefan Prins, qui était présent pour l’occasion. « Ici c’est l’espace qui crée le son », précise Olivier Sliepen. « Nous l’avions déjà jouée lors du festival 33,7 mais nous voulions la refaire car cette pièce ne sonne jamais pareil : la taille de la pièce, les matériaux en présence, le nombre de spectateurs … tout affecte les sons produits. »

Cette pièce imprévisible a de quoi faire peur, comme l’a expliqué Stefan Prins lors du concert : « En général, le larsen est quelque chose que l’on veut éviter sur scène. Mais comme tout ce qui a le goût d’interdit, le larsen a aussi quelque chose qui attire. D’autres compositeurs ont utilisé le larsen et je trouve que c’est une tension, une énergie intéressante à explorer. D’un point de vue conceptuel, on peut aussi voir le larsen comme une métaphore de notre monde : c’est un effet d’emballement, comme d’autres phénomènes tels que les catastrophes écologiques ou les extinctions massives d’espèces. Ce sont des processus de rétroaction. Quelque chose qui commence et que vous ne pouvez plus contrôler une fois que cela a commencé. »

Pourtant si proche de cette limite entre bruit et musique, la pièce avait quelque chose de rassurant, peut-être grâce au travail des deux musiciens sur scène. « On s’est sentis en sécurité. À chaque fois qu’on avait l’impression que le son allait déraper, les musiciens le rattrapaient, et nous avec », confie l’une des participantes.

Entre nuages et brumes qui se transforment perpétuellement, le programme de ce concert était une invitation au voyage à travers des mondes imaginaires et une exploration réussie de la musique contemporaine pour la quarantaine de personnes que nous avons accueillies. Pour cultiver votre curiosité et stimuler votre esprit d’aventure, nous vous donnons rendez-vous dans un prochain concert !

Programme détaillé :

Kasper T. Toeplitz (PL* 1960)
Vague de pas (1995)

José Manuel López López (ES* 1956)
El margen de indefinición (2000)

Christian Lauba (TN* 1952)
Clouds (2012)

Albena Petrovic-Vratchanska (BG* 1965)
Multiplicity (2024)
World premiere – Commission United Instruments of Lucilin

Stefan Prins (BE* 1979)
Inhibition Space #3 (2022)

Avec:

Olivier Sliepen, saxophone
Guy Frisch, percussion
Mad Trix, sound, electronics and lights


On se retrouvera bientôt !

Sounds IN space est l’épisode #12 de notre série de concerts indépendants Lucilin in the City.
Rendez-vous le 15 mars pour une nouvelle expérience de la musique contemporaine au Luxembourg : Gereizte Stille. Guy Helminger zu Besuch bei Lucilin.

À Propos de Lucilin in the City :
Avec Lucilin in the City , Lucilin propose chaque mois un programme dont le-la curateur.trice est un membre proche de l’ensemble, mettant ainsi en avant les personnalités musicales qui composent Lucilin et plus généralement, l’étendue et grande diversité du répertoire de musique contemporaine.

Photos: © Alfonso Salgueiro